Réforme des Professions règlementées – Le Président de la CNPL interpelle le Premier Ministre

Dans un courrier adressé à Manuel Valls, Daniel-Julien NOËL Président de la Chambre Nationale des Professions Libérales rappelle au premier ministre ses engagements !!

 

Monsieur le Premier ministre,

Votre gouvernement envisage une réforme visant 37 professions règlementées. La plupart de celles-ci concernent le corps social des professions libérales.

La Chambre Nationale des Professions Libérales, organisation représentative, forte des 35 syndicats et des 100 structures territoriales qui la constitue, entend relayer auprès de vous d’une part, son étonnement quant à la méthode choisie par votre gouvernement et d’autre part, son inquiétude quant aux conséquences, notamment pour les usagers de la médecine, du Droit et des techniques, qui seraient induites par les dérèglementations envisagées.

1 – Pour ce qui concerne la méthode :  

A l’unisson avec le chef de l’Etat qui venait d’adresser aux français « un message d’apaisement et de rassemblement » en constatant que la France  » souffrait de ses divisions « , vous aviez indiqué devant la représentation nationale, lors de votre discours d’investiture *  que « rien n’est possible sans l’écoute ou le dialogue ».   * Déclaration de politique générale du 8 avril 2014

Nous sommes convaincus que vous mettrez en pratique les engagements pris au plus haut de l’Etat et relayés devant la représentation nationale : les réformes ainsi envisagées ne peuvent être réalisées, selon votre vœu que dans l’écoute et dans le dialogue. Aussi, avant même d’évoquer le fonds de ces dossiers, nous sollicitons que soit réunie l’instance de concertation et de dialogue, qui dépend des services de votre gouvernement.

En effet, le décret n°2011-200 du 21 février 2011 a créé une  » Commission Nationale des Professions Libérales  » (C.N.A.P.L.) placée auprès du ministre chargé des professions libérales et pouvant « être consulté sur tout projet de texte applicable à l’ensemble des professions libérales ». Le ministre ayant en outre la faculté de « saisir la commission de toute question intéressant les activités libérales ». Depuis mai 2012, cette commission n’a jamais été réunie par les ministres de tutelle et notamment par Monsieur Arnaud MONTEBOURG, qui en assurait légalement la Présidence, en sa qualité de Ministre de Tutelle. Nous saisissons d’ores et déjà Monsieur le ministre chargé de l’économie, au demeurant porteur du projet de réforme, d’une demande de réunion plénière de cette commission, dont l’objet est de nature à répondre aux objectifs de dialogue et de concertation que vous vous êtes vous-même fixés. Notre politique s’inscrit donc dans une logique de concertation et de dialogue devant une réforme impactant de façon importante le corps social des Professions Libérales.

2 – Concernant les objectifs de la réforme :

Ceux-ci reposent sur un rapport de  » l’Inspection Générale des Finances  » présenté par les services de l’Etat comme le justificatif économique de la réforme envisagée. Celui-ci ne traduit cependant pas de résultats aussi pertinents ni aussi définitifs qu’annoncés : les gains de 0.5 points de P.I.B et la création de 120.000 emplois, présentés comme des réalisations immédiates et certaines ne sont en fait des résultats susceptibles d’être atteints, et ce à un horizon de 5 années. Ces objectifs ne constituent que de simples hypothèses à terme dont les méthodes d’évaluation sont au demeurant loin d’être probantes selon l’analyse de nos organisations affiliées. Ainsi, les évaluations ont été réalisées selon trois méthodes (Chapitre 9.1.1. du rapport) :

  • Alignement théorique des marges économiques sur celles de la Finlande.
  • Comparaison avec les baisses des prix observés à l’étranger dans certains secteurs récemment ouvert à la concurrence.
  • Comparaison avec les expériences d’ouverture à la concurrence dans le secteur des communications mobiles en France.

D’ores et déjà, ces trois méthodes sont contredites par les faits et par des analyses économiques incontestables qui nécessitent une confrontation des arguments.

Les conclusions et les méthodes doivent en effet pouvoir faire l’objet d’un débat contradictoire en dehors duquel aucun processus de réforme d’une telle ampleur, ne peut être conclu dans une démocratie.

3 – La santé, le droit, les techniques au service du public ne sont pas des marchandises : 

Enfin, la réalité sociale de notre nation repose sur de grands équilibres permettant de sécuriser les citoyens. La santé, l’exercice par chacun de ses droits civils ou incorporels, la sureté des transactions participent pleinement au quotidien, et dans la proximité, à ce besoin, de sécurité. Un lien fondé sur la confiance, la compétence et le dévouement a été tissé au fil des siècles entre les professionnels de la médecine, du Droit, des techniques et le corps social français. Ce lien est fortifié par des règlementations qui, avant tout, protègent les usagers. Toute remise en cause de ce lien, sans dialogue, sans concertation, et sans recherche d’un équilibre durable et certain, serait contraire à la volonté de protection et de sécurité partagée par nos concitoyens.

Aussi, la Chambre Nationale des Professions Libérales vous demande instamment de bien vouloir mettre en œuvre d’une part, l’examen contradictoire des hypothèses retenues et d’autre part, la concertation indispensable à un tel projet. Nous sollicitons en outre une audition par vous-même ou vos collaborateurs afin de rechercher les bases d’une concertation constructive.

Je vous prie de croire, Monsieur le Premier ministre, en l’assurance de ma haute considération et de mes sentiments respectueux.

 

Daniel-Julien NOËL
Président de la C.N.P.L.
Conseiller Economique, Social et Environnemental